Un jour, peut-être…
Date : 4 juin 2025
Auteur : Do Phan Hoi
Être proche aidant a défini la majorité de ma vie adulte.
« Je ne pourrais jamais laisser mes parents vivre dans un centre. C’est tellement un truc de blanc ».
Au fil des années, ce sont des paroles qui m’ont été répétées à maintes reprises par mes confrères et consœurs de la diversité.
« Tu fais bien ça, Hoi. J’aurais fait la même chose ».
Dans l’ombre d’une profonde tristesse, une lueur de fierté surgissait, mais elle s’éteignait aussitôt…
Depuis mes plus jeunes souvenirs, ma mère me le répétait toujours. Alors qu’elle préparait le souper après une longue journée de travail, elle me soufflait tendrement à l’oreille :
« Mai mốt, con sẽ chăm sóc ba/mẹ như ba/mẹ đã từng chăm sóc con ».
« Un jour, tu vas prendre soin de nous (papa, maman) comme nous avons pris soin de toi ».
Sans comprendre réellement les implications de ses paroles, nous échangions un sourire complice et je retournais innocemment à mes occupations.
J’étais « con út », le plus jeune d’une famille de 5 garçons : Hoàng, Hiền, Hòa, Hợp et moi-même – Hối. Traditionnellement, la tâche du proche aidant relève naturellement du plus jeune de la famille. Avant même que je prenne mes premiers pas, ce devoir était inscrit dans mon destin comme une évidence.
Mes parents ont immigré au Canada en 1975, l’année de la chute de Saigon. À ma naissance, mon père avait fraîchement pris sa retraite après une longue carrière dans une banque et ma mère était couturière dans une manufacture comme la plupart des femmes vietnamiennes de son âge que j’ai connues dans ma vie. Nous vivions modestement et les ressources étaient limitées, mais mes parents se sont toujours assurés qu’il ne manque de rien.
Soudainement, ma dérive nostalgique est interrompue par ma mère :
« Hối! Con đang nghĩ gì vậy? Lại đây phụ má đưa ba vô toilet nè ».
« Hoi! À quoi penses-tu? Viens ici. Aide-moi à accompagner ton père à la salle de bain ».
Je bondis de ma chaise et je me précipite pour soulever mon père hors de son lit. À l’aide de sa marchette, nous traversons le long corridor pour se diriger vers la salle de bain. Les lumières sont froides, les murs aussi pâles qu’un oubli – blancs et sans âme. Une anxiété s’empare lentement de mon corps. Je ne pourrai jamais m’habituer à ce sentiment – je retiens les larmes au précipice de mes yeux.
Je le déshabille. Je l’installe sur le siège de transfert de la baignoire adaptée. J’ouvre la douche en m’assurant que l’eau n’est ni trop froide, ni trop chaude. Je mouse le shampooing et je masse son cuir chevelu.
« Papa – tout est OK? »
Rien. Juste le poids du silence.
Avec ce blogue, j’ai l’espoir de partager une autre facette de la réalité de proche aidant vue de la perspective d’un immigrant de deuxième génération. Si les publications t’interpellent, je t’invite à y inscrire un commentaire et n’oublie pas de laisser ton nom. Au plaisir de te lire!